Musique et architecture

Pierre Pinsard
architecte

Pierre Pinsard a donné des conférences à Gand, sur L 'Art religieux en Europe ; à Munich sur l' Art sacré en France ; à Paris au centre catholique des intellectuels français et à l'Académie d'architecture un Éloge de Pierre Verrier et la conférence ci-dessous sur Musique et Architecture . Nous ne possédons pas les textes des autres conférences, si vous possédez des informations qui pourraient nous aider à compléter ce site, veuillez utiliser le formulaire de contact

Johann-Sebastian Bach

Musique et architecture

Conférence de Pierre Pinsard à l’Académie d’Architecture

Parce qu'il partageait avec son prédécesseur la passion commune de la musique, Pierre Pinsard, dans l'éloge qu'il fit de notre regretté collègue Pierre Verrier au jour de sa réception à l'Académie d'architecture le 29 février 1969, esquissa à grands traits le thème des rapports entre la musique et l'architecture. Sujet difficile, certes, mais évoqué avec un tel brio par son auteur que bon nombre d'académiciens ressentirent le désir d'entendre plus longuement leur nouveau collègue développer la richesse des idées contenues dans cet essai prometteur.
Il fallut attendre six ans pour que se réalise ce projet cher aux mélomanes de l'Académie. Le 12 décembre à 21 heures, un auditoire nombreux et attentif était rassemblé pour entendre la conférence de Pierre Pinsard qui fut suivie, pour la première fois dans la grande salle de l'Académie, d'une exécution musicale par Christian Ivaldi, pianiste et Alain Meunier, violoncelliste.
En l'absence du président Marc Sallet, retenu loin de Paris, le président Guillaume Gillet présenta le conférencier et les deux jeunes musiciens qui avaient accepté de prêter leur gracieux concours à cette soirée.

ALLOCUTION DU PRÉSIDENT GUILLAUME GILLET

Je vous remercie d'être venus tous très à l'heure malgré les difficultés de la circulation et la neige qui commence à tomber.

Nous allons écouter une conférence qui est vraiment, je crois, le résultat de réflexions philosophiques très subtiles de notre ami Pierre Pinsard, qui a eu la modestie et l'inquiétude de me demander de vous le présenter. Je ne vais pas vous parler de lui, car vous le connaissez tous très bien, mais je vais simplement m'adresser à lui en lui disant: mon cher Pierre, tu es un inquiet et c'est une grande qualité; c'était même la qualité essentielle qu'André Gide, que tu as bien connu, demandait aux jeunes auteurs, aux jeunes écrivains qui venaient le consulter, et s'ils ne l'étaient pas, il n'avait aucun espoir en eux. Tu as prouvé que ton inquiétude a donné des certitudes.
Tu as fait de très nombreuses églises, sans doute as-tu su plaire aux curés et aux pères et je regrette qu'il n'yen ait aucun ici ce soir; maintenant ils négligent les architectes et le programme des églises a changé. Dans l'époque assez heureuse des trente années qui viennent de s'écouler, tu as construit, sur quelques milliers d'églises, un pourcentage important, au moins quinze et elles sont toutes très remarquables, vraiment religieuses, architecturales, monumentales et économiques! Cela a toujours été le problème même des églises romanes. Tu as aussi construit des couvents, des hôpitaux et bien d'autres choses.
Tu n'es venu à l'architecture que tard, et c'est peut-être ce qui explique ton inquiétude parce que tu as l'impression d'être un peu un déserteur, un transfuge - mais tous les architectes le sont un peu - de la création figurée, plastique.

Tu as voulu d'abord être peintre et tu as commencé à être illustrateur de Blaise Cendrars, ton ami; tu as connu Raoul Dufy, tu as connu Mondrian, enfin tu avais beaucoup de tentations. Un jour tu t'es converti et le Père Régamey t'a beaucoup aidé, lui qui est aussi un converti car il était protestant; il était étudiant en histoire de l'art et mon père, Louis Gillet, avait été appelé par lui pour être son directeur de thèse sur Chassériau, ensuite il est devenu le Père Régamey. Il n'est pas là ce soir, car il se trouve à Lourdes, dans la basilique que tu as réalisée avec notre ami Le Donné, Vago et Freyssinet il y a bientôt une vingtaine d'années, si bien qu'il est tout de même avec nous puisqu'il est dans ta basilique.

Je voudrais ajouter quelques mots sur les artistes qui ont bien voulu nous consacrer gracieusement leur soirée: ce sont Christian lvaldi et Alain Meunier, des musiciens bien connus, l'un au piano et l'autre au violoncelle; Gilbert Dumas, notre directeur, lui-même mélomane averti, a obtenu de ses amis qu'ils viennent ce soir pour toi parce qu'ils savent que tu es un vrai musicien. L'un est professeur au Conservatoire de Paris, l'autre à l'Académie de musique ancienne de Saintes et il est natif de Royan, ce qui me touche énormément car j'y ai construit une église, la seule peut-être que j'aurai faite. Tous deux font partie d'un groupe de musiciens qui, sous l'impulsion de Jean-Pierre Rampal, ont créé dans le Palais des Congrès que j'ai construit, dans une petite salle de 700 places, « les après-midi du mardi » où on entend de la musique de chambre pendant soixante-dix minutes de 18h30 à 19h30. C'est délicieux, la salle est pleine et les gens sont là non pas comme à l'office mais comme à l'église, car la musique c'est cela. J'ajoute mon cher Pierre, que tu as autour de toi toute une famille que tu as su animer, Gisèle, Claude que nous avons perdue hélas! l'an dernier, la femme de Stahly qui n'a pas pu venir ce soir, toute une équipe de gens qui ne vivent que pour la création. Je pense que tout ce que tu vas nous dire ce soir va enchanter tes auditeurs et tes jeunes amis vont faire la suite, la conclusion. Nous t'écoutons et avec joie.

P. Pinsard donnant conférence à l'académie d'architecture

Mesdames, Messieurs, chers amis,

Je remercie l'Académie d'architecture et son président, Marc Saltet, de m'avoir donné l'honneur de vous entretenir d'un sujet qui m'a toujours tenu à cœur : les rapports de l'architecture avec la musique.
A l'Académie d'architecture qui nous accueille ce soir, un vice-président, nommé Pierre Laborde, me disait souvent: « on aura besoin de toi un jour! » Une autre fois il s'ouvrit plus avant: « par exemple une conférence! » Pourtant avoir construit quinze églises et trois couvents n'autorise pas à monter en chaire! Mais sa gentillesse, son rire éclatant et fendu, communicatif et rassurant, me clouaient sur place, jusqu'au jour où mon ami Robert Auzelle me fit d'une manière pressante, avec une affectueuse insistance, une quasi-obligation de me produire en reprenant un sujet sur lequel j'avais pensé avoir épuisé toute ma science.

Il faut vous dire qu'en 1968, lors de mon élection au sein de cette honorable confrérie, dans l'éloge que l'on doit faire de son prédécesseur défunt, j'avais déjà effleuré le difficile problème des rapports de la musique avec l'architecture.
Je mesure maintenant pleinement ma prétention. Se lancer dans une confrontation entre la musique et l'architecture, pour un homme qui ne joue d'aucun instrument sauf du gosier, pour un mélomane, fervent il est vrai, qui n'a eu pour tout avantage que de naître dans un milieu où la musique tenait une grande place, cela frise un peu l'inconscience.

Musique et Architecture!

J'interrogeais mon ami de toujours, Michel Boulnois, organiste de grand talent (titulaire de l'orgue de Saint-Philippe-du-Roule) qui répondit à ma question de la manière suivante : « S'il y a quelque chose d'écrit sur le sujet, je ne vois qu'un seul homme à Paris et peut-être dans le monde à le savoir ». C'est ainsi que je rendis, accompagné de mon ami, une longue visite à Norbert Dufourcq, organiste, musicologue et admirateur de l'architecture. Devant ce grand Monsieur, d'une parfaite courtoisie, véritable puits de science et de culture, on se sent bien petit, mais aussi Gros Jean comme devant! « Cher Monsieur, me dit-il, il n'y a pratiquement aucune bibliographie valable sur ce sujet précis, lequel est passionnant! la confrontation Musique-Architecture est un sujet merveilleux! les rapports sont évidents! son puissant intérêt s'impose! » etc., etc. Le tout à vous donner des sueurs froides! Il faut vraiment bien aimer l'Académie pour, dans ces circonstances, se cramponner ainsi à son devoir et aimer aussi le risque.

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